Aujourd‘hui papa a 81 ans il se rappelle ses jeunes années, quand la France était occupée : il me
raconte :
1943
En 1943 j 'avais 13 ans, mon père était un travailleur émigré polonais .Il travaillait a l’usine sidérurgique de colombelles mais vu la fréquence des bombardements du site par les alliés, les
ouvriers durent aller chercher du travail ailleurs. C est ainsi qu il fut embauché a la minoterie de Caen située dans la zone portuaire.
Un jour mon père me dit : « aujourd’hui tu prendras ton vélo et tu iras a la minoterie exactement a l heure précise que je te dirais, tu m attendras devant la grille de l entrée
« ….la minoterie était a peu prés a 5 Km de la maison, a l heure H j étais là.
Je vis mon père sortir du bâtiment chargé d un gros sac de blé, il me le posa sur le vélo et me dit : dépêches toi rentres a la maison .A ce moment je vis un soldat
allemand arriver et celui ci l’apostropha ….en polonais : c était un soldat enrôlé de force dans l armée allemande .En fait ce ‘malgré nous’ fermait les yeux sur ce larcin
et faisait jouer la solidarité entre compatriotes .ouf quelle peur ! Mais à la maison on allait pouvoir manger du pain.
1944
A cette époque nous habitions au Plateau, la cité ouvrière de l’usine. Nous étions six, mon père, ma mère, mon frère, mes deux sœurs et moi-même. Le matin du 6 juin nous fumes réveillés par des
bruits incessants de tirs de grosses pièces d artillerie : cela venait de la cote située a environ 10 Km de là…est ce le débarquement ? Tout le monde l’espère .Mais bientôt un
grondement s’amplifie, les objets tremblent sur les étagères, mon père sort de la maison et voie des centaines d avions arriver et commencer a déverser leur cargaison. .Il rentre précipitamment
mais une bombe éclate a environ 75 mètres .La porte de la maison est soufflée, dans la rue ce jour là une mère et sa fille auront trouvé la mort. Nous décidons de nous éloigner de la cité et
comme beaucoup d autres nous trouvons refuge quelques centaines de mètres plus loin dans le lit asséché d une rivière .Des avions nous survolent sans arrêt, nous prenons la précaution d étendre
de grands draps blancs pour signaler notre position.
Le soir nous sommes rentrés chez nous mais désormais c’était a la cave qu il fallait vivre !
Quelques jours plus tard, un officier allemand est venu pour nous dire de partir de la maison : nous prenons la direction de Mondeville, là des grottes ont été creusées dans la
falaise : c’est la que nous nous installons comme des dizaines d autres habitants des alentours .Encore une fois les allemands nous délogent, ils veulent prendre notre place bien a l’abri
des bombardements. .Nous retournons chez nous n’aillant d’autres endroits ou aller.
Le 17 juillet 1944 cette fois c’est un officier SS qui arrivent « raoust »dit il….tout le monde comprend : la cité va être dans la zone des combats.
Le 18 juillet la famille quitte la maison de très bonne heure direction Giberville puis Grentheville .Entre ces deux villages, dans les champs de blé, une multitudes de têtes casquées émergent de
la cime des épis : les allemands attendaient de pied ferme l’attaque anglaise (l’opération Goodwood).Puis nous traversons Soliers et Bourguébus en flamme.
Arrivés a Trun nous sommes dirigés ver une école pour y passer la nuit, de la paille sert de couchage .Parmi les réfugiés il y a là une cartomancienne :elle prédit a ma sœur de faire très
attention a elle ! .Le lendemain le voyage reprend :nous suivions une charrette,le genre de charrette tirée par un cheval avec de grandes roues de chaque coté,ma sœur roulait avec un
petit vélo en se tenant a la carriole…brusquement la roue avant du vélo se prit dans celle de la charrette entraînant ma sœur .et lui
faisant faire le tour complet jusqu au sol .Elle n eut la vie sauve que grâce aux cris lancés par toute la famille ,le cocher pu arrêter son engin juste
a temps .
A Pré en Paille c’est encore l’école du village qui nous servi de dortoir .Le village était plein d’ allemands,dans notre groupe de réfugiés il y avait une très jolie femme,cela n’échappa pas a
un officier qui croyait certainement que tout lui était permis .Il voulu prendre de force cette femme sur une table devant tout le monde y compris son mari qui ne pouvait
bouger devant les fusils braqués .Mais un homme avait eu la présence d’esprit d aller chercher dehors un autre officier,celui-ci du menacer de son arme cet allemand
irrespectueux pour lui faire cesser ces actes immondes.
Puis nous avons pu prendre un train jusqu ‘a Bourges, de là nous sommes partis en camion vers Etrechy .Là, je vis pour la première fois des maquisards, ils roulaient en traction et étaient armés
de fusil mitrailleurs .Il y en avait un parmi eux qui était de Caen, celui-ci, quand il compris d’ou l’on venait, couru nous chercher de la nourriture Nous devions faire peine a voir .Les
autorités locales nous ont dirigé chez des habitants des alentours .Pour nous c’était dans une ferme, chez des cultivateurs.
Mon père ne voulait pas être une charge pour ces braves gens, il leur demanda par quel moyen il pouvait payer notre hébergement .Il était menuisier, il lui fut confié la tache de refaire les
fenêtres et les portes de la ferme .Mon frère devait travailler chez des agriculteurs voisins,moi j’allais tous les jours garder mes 5 vaches et mes 3 chèvres dans les prés environnants…C est
ainsi qu’un matin de bonne heure je pu voir de longues colonnes de maquisards monter sur Bourges en passant par les bois : Ils allaient libérer la ville.(peut être le groupe Sebastopol
installé dans les bois d Etrechy).
Au mois de décembre mon père décide de rentrer en Normandie, il n’emmène que moi, le reste de la famille suivra plus tard.
Le trajet commença par se faire en train jusqu a Flers puis c’est a pied que le voyage continua.
De chaque coté de la route se sont des tonnes et des tonnes de matériels qui sont entreposés (munitions, essence) mais aussi dans chaque champs, dans chaque prairie gisent des carcasses de
véhicules détruits (chars, canons, camions) La guerre nous rappelle qu elle est passée par là.
Notre maison est détruite, tout est détruit, tout n’est que ruine dans notre cité. Avec des matériaux de récupération nous commençons a construire dans le jardin une baraque en bois .Le soir nous
allons dormir chez des amis au lieu dit « la ferme des marais ».Une fois notre maison de fortune finie notre famille pu rentrer elle aussi….la guerre était passée il fallait reprendre
une vie a peu près normale……..